nous quitterons
derrière l’horizon
au-delà du reflet
des océans dans le ciel
un jour j’écrirai
mon épitaphe dans le marbre
un haïku de pierre
mais avant
je souhaite
écrire
jusqu’à la perte
de ma mémoire
jusqu’à perte de vue
jusqu’à ce que les cataractes recouvrent mes yeux
trouver
mon éternité
l’éclat de génie pour lequel tout le monde
se souviendra
de moi
on dit
qu’on meurt
deux fois
la première avec le corps
et la deuxième lorsque la dernière personne
murmure ton nom sur le bord d’une falaise
à quatre-vingt-dix ans et avant
la perte finale de la mémoire
je souhaite que mon corps devienne arbre
que mon nom devienne adjectif
que ma mémoire devienne légende
même si c’est pour en rire comme
ceux qui riaient de Don Quichotte
mais hélas
un moment de plus et
l’oubli nous guette
je continue donc d’écrire
comme si ce livre était une relique
partie de mon âme infusée dans cet objet
à jamais inscrit dans l’absence de mes regrets
Daniel Groleau Landry, « nous quitterons... », Amorragies, Éditions de l’Interligne, 2016.